27 juillet 2023
Par un arrêt rendu le 27 avril 2023, la Cour d’appel d’AGEN est venue rappeler un critère essentiel dans l’attribution d’une prestation compensatoire dans le cadre d’un régime séparatiste : la prestation compensatoire n’a pas vocation à réparer les choix d’un régime matrimonial ou les états des fortunes pré existants.
Dans cette affaire, les époux avaient opté pour le régime de la séparation de biens. Monsieur disposait déjà d’un patrimoine important avant d’épouser Madame.
Après 20 ans de vie commune, cette dernière assigne en divorce son époux, et sollicite le versement d’une prestation compensatoire d’un montant de 500.000 €.
Le juge aux affaires familiales y fait droit.
Monsieur relève appel de cette décision, et, non sans contester le principe du versement de la prestation compensatoire, en conteste le quantum.
La Cour d’appel d’AGEN lui donne raison, casse le Jugement de première instance, et statuant à nouveau, réduit le montant de la prestation à la somme de 70.000 €.
Elle reprend à son compte les arguments développés par Monsieur dans ses conclusions d’appelant.
Celles-ci mettaient en exergue notamment, que la disparité de niveau de vie pré existait au mariage.
En conséquence, ce n’est pas le divorce qui l’avait créée.
Bien que durant l’union, Madame ait contribué à faire fructifier le patrimoine de Monsieur, ce patrimoine était un propre pour avoir été acquis avant le mariage.
Dès lors, Madame ne pouvait solliciter du Juge du divorce de compenser ce choix de régime matrimonial par l’attribution d’une somme si importante au titre de la prestation compensatoire.
L’intérêt de la présente décision est le soin apporté par la Cour à détailler dans sa motivation chaque étape de son raisonnement.
Dans un premier temps, au visa des articles 270 et 271 du Code civil, la Cour rappelle que la première des vérifications que le Juge du divorce doit réaliser, est de s’assurer qu’il existe effectivement une disparité de niveau de vie les deux époux au moment du divorce.
Si tel est le cas, il doit dans un deuxième temps, s’assurer que cette disparité de niveau de vie est la conséquence de la rupture du mariage. Cela signifie que si celle-ci préexistait au mariage, le divorce n’en serait donc pas à l’origine entrainant par là même, des conséquences sur le principe de l’attribution de la prestation compensatoire, ou a minima, sur son quantum.
C’est l’idée que les Conseillers agenais ont pris soin de développer dans leur décision dans un paragraphe qui se veut volontairement pédagogique pour les parties. La Cour précise tout d’abord le principe de l’attribution d’une prestation compensatoire :
« La prestation compensatoire n’a pas pour objet de niveler les états de fortune qui peuvent être antérieurs au mariage, de constituer des rentes de situation ou de remédier aux conséquences du choix d’un régime matrimonial.
Elle doit seulement permettre d’éviter que l’un des époux soit plus atteint que l’autre par le divorce dans ses conditions matérielles. »
Ceci étant posé, elle poursuit son raisonnement en l’appliquant aux demandes de prestations compensatoires formulées par un des époux séparés de biens, lequel régime postule par nature qu’il ne sera pas tenu compte des disparités de fortunes.
La Cour rappelle aux Juges du fond qu’il leur appartient, dans un tel cas, de faire le départ entre :
Ex : choix d’arrêter sa carrière au profit du développement de la carrière du conjoint
Et
ex : patrimoine propre constitué avant et/ou durant le mariage par un époux et ayant la qualité de bien propre.
Dans un cas, le principe de l’attribution de la prestation serait acquis (sous réserve de la vérification des autres éléments légaux posés par les articles précités) ; dans l’autre, cette attribution serait bien plus réservée.
Dans cette dernière hypothèse, Il appartiendra à la partie qui sollicite l’attribution d’une prestation compensatoire, de faire la démonstration qu’il a contribué à la valorisation du patrimoine propre du conjoint ou à l’accroissement de ses revenus fonciers par exemple. Là encore, tout est affaire de preuve.
On ne saurait suffisamment le répéter, le mariage est un contrat qui mérite d’être étudier avec la plus grande considération, les conséquences étant cruciales au moment de la séparation.
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